ORIGINE DE LA POPULATION AUTOCHTONE BLANCHE
D’AFRIQUE DU NORD

Hypothèse la plus vraisemblable transmise par le Père Armand Laïly

Cette question intéresse tout algérien, car, comme le disait Ahmed Taleb Ibrahimi dans un article d’Algérie Actualité des années 1970 : « Nous autres, algériens, nous sommes des berbères arabisés. »

À l’origine, l’Afrique est noire. La population d’Afrique du Nord est noire, de type nilotique, apparentée à celle de l’Égypte ancienne. Elle parle une langue hamito-sémitique, mais du côté hamite apparentée à l’égyptien ancien, aux parlers méroïtiques et lybiques*. Cette population se retrouve sur les gravures rupestres du Sahara. Le contact avec l’Égypte ancienne est établi sur ces gravures par divers traits, par exemple la représentation d’un char égyptien. Les derniers restes de cette population se trouvent dans les oasis comme Ouargla ou Timimoun, où ils se font appeler, je crois, « les Rouges », pour se différencier des noirs de type soudanais descendants d’esclave. Les touaregs et les peuls seraient aussi leurs descendants.

Il y a environ trois à quatre mille ans, des populations venant d’Europe orientale et d’Asie auraient émigré vers le Sud de l’Europe et certains de leurs éléments auraient traversé la mer. Nous aurions des traces de ces envahisseurs dans les récits de l’Iliade et de l’Odyssée. Les éléments établis au Sud de la Méditerranée auraient fait souche, se seraient mêlés à la population locale et auraient adopté sa langue. Ils seraient restés au nord, laissant perdurer des éléments de la population locale au Sahara.

Y a-t-il des preuves corroborant une telle hypothèse ? Nous pouvons en signaler trois :
1. Même mode de sépulture en dolmen au Nord et au Sud de la Méditerranée : Il y a plusieurs milliers de dolmen en Algérie, signalons à l’Est les gisements de Bounouara à 15 km de Constantine sur la route de Guelma, ceux du Djebel Fortas entre Sigus et Aïn M’lila et ceux de Roknia près de Hammam Meskoutine. Ce sont les mêmes dolmens qu’en Corse, en Sardaigne ou dans le midi de la France**
2. Traces de vocabulaire commun : Le Père Dalet, Père Blanc, spécialiste du kabyle, a retrouvé dans ses recherches deux à trois cents noms de petits animaux et de petites plantes de Kabylie qui manifestement étaient des noms d’origine grecque. Sur le moment il les avait classés comme dérivant du grec, mais son maître des Langues Orientales de Paris, lui a fait remarquer qu’il était plus judicieux de dire qu’il avait trouvé deux à trois cents noms qui avaient avec les noms grecs correspondants une origine commune, plutôt que de parler de dérivation stricte.
3. Coïncidences du droit coutumier : Il faudrait étudier les ressemblances entre le droit coutumier kabyle et le droit coutumier corse, sarde ou méridional français. Il semble que les coutumes du mariage et de l’héritage ont des correspondances. Ainsi le mariage sous régime dotal, accepté dans le midi de la France jusque dans les années soixante. Mes grands parents étaient encore mariés sous régime dotal, puis cette coutume est tombée en désuétude au profit du droit national, elle est maintenant abolie. Le Père Grelot, dans l’article cité en note, appelle d’ailleurs à faire une telle étude de droit coutumier comparé.

* Cf article de Pierre Grelot, exégète et linguiste, in La Croix du 22 Septembre 1998 (Tribune des lecteurs).
** Pour les archéologues, les dolmens du midi de la France ne sont pas apparentés aux dolmens de Bretagne, ce seraient le même mode de sépulture mais découvert séparément.

ANNEXES I : Les Kabyles ne viennent pas du Moyen-Orient

La Croix a publié le 30 juillet une « Libre opinion » du professeur Mokhtar Lakehal. Je relève une erreur grave dans son exposé. Il est faux que « les historiens confirment la thèse de l'émir Abdelkader », selon laquelle « les Berbères d'Afrique du Nord sont originaires du nord de la Palestine : donc ils devront se considérer aussi arabes que les autres habitants de l’Algérie, à moins qu'ils cherchent à se forger une filiation anhistorique». Cette thèse fut imaginée à une époque où on ignorait l'histoire de l'ancien Orient. Depuis lors, les travaux linguistiques et historiques permettent de dire en toute sécurité que les Kabyles, branche algérienne des Berbères qui ont aussi des représentants au Maroc et un cousinage avec d'autres groupes moins nombreux du haut At1as sans compter les Touaregs du Hoggar, descendent de l'ancienne population autochtone qui résista aux Romains : les Numides. La romanisation de certaines élites numides laissa intacte la population des campagnes. Saint Augustin, natif de Thagaste (actuelle Souk-Ahras). était le fils d'un Numide romanisé de fraîche date ; sa mère, Monica, portait le nom d'une divinité numide.

Je connais suffisamment les langues diverses du Moyen-Orient ancien pour ne pas y reconnaître la trace d'une langue qui serait devenue le berbère ou. une langue de son groupe. Tamazight ou dialectes apparentés : ces langues appartiennent à une branche « hamito-sémitique », mais du côté «hamite », avec l'égyptien ancien, les anciens parlers méroïtique et libyque, le tamachek des. Touaregs dont le P, de Foucauld a fait' un dictionnaire. La 'langue a évidemment évolué au cours des âges.par ses origines et par le caractère original de son évolution, elle n’a rien à voir avec l'arabe. Celui-ci est la langue des envahisseurs venus à l'Arabie du Nord au VII°-VII° siècle. Les anciens Numides trouvèrent alors refuge dans les régions montagneuses. Les Kabyles et autres berbères acceptèrent l'islam apporté par les conquérants, car leur christianisation restait superficielle dans les campagnes et, à partir du VIII°-IX°siècle, il n'y eut plus de clergé chrétien local. Une étude sociologique des Kabyles et autres Berbères (comme ceux du Maroc) montrerait que leur droit coutumier, non écrit, diffère de ce1ui des Arabes.

Mais en ce qui concerne la langue, il ne fait aucun doute qu’elle dérive de l'ancien parler local et n'a rien à voir avec les parlers, sémitiques ou autres, du Moyen;Orient ancien. Le nationalisme de l'Etat arabe en Algérie ne tient pas compte d'un fait particulièrement important. C'est dommage pour la défense des droits de l'homme.
PIerre GRELLOT - exégète (Orléans)

ANNEXE II :
Arrivée des protoberbères au Sahara

Extraits d’un article sur les gravures rupestres du Sahara et leurs auteurs.
Le peuplement ancien du Sahara intrigue depuis la découverte des gravures du Messak Settafet (Libye) par l'Allemand Heinrich Barth, en 1850. « Cinq ans auparavant, des troupes coloniales françaises avaient signalé un site rupestre à Tiout, dans l'Atlas saharien », souligne Malika Hachid.*** Ne connaissant rien de comparable. C'est à la compréhension de cette préhistoire méconnue que s'est attelée Malika Hachid en reprenant toutes les études faites sur le Sahara depuis les origines. Une histoire ancienne abordée via l'archéologie et l'étude de l'art rupestre. Une histoire qu'elle est allée rechercher et vérifier sur place.

Que dit-elle? Tout d'abord qu'en Afrique du Nord, au cours de l'atérien, une période débutant il y a 40.000 ans, Homo sapiens sapiens est partout. De l'Atlantique au désert Libyque, de la Méditerranée au Sahara. Mais une terrible période d’hyperaridité s’installe il y a 20.000 ans, pour durer une dizaine de milliers d’années. » Dès le retour de la mousson sur le Sahara, il y a plus de 10.000 ans, des groupes de chasseurs-cueilleurs sont de nouveau là. Venus (revenus?) s'installer autour des massifs centraux sahariens. C'est près de ces reliefs élevés, de véritables châteaux d'eau, que « se concentreront les plus grandes provinces d'art rupestre saharien », insiste Malika Hachid.

Dans le Ténéré et le massif de l'Aïr (Niger), les lacs reprennent vie, alimentés par des pluies abondantes entre -13.000 et -l0.000 ans. L’art rupestre finit par apparaître dans deux groupes humains : celui des chasseurs-cueilleurs dits Têtes rondes puis celui des pasteurs bovidiens.
Dans les années 1970, l'abri de Tlin Hanakaten (tassili des Ajjer) a livré des squelettes sahariens remontant à cette période. Il s'agit des sépultures de trois adultes, deux enfants et un nouveau-né, certains aux traits graciles, d'autres plus robustes. L’un d'eux possédait des téguments prouvant son appartenance à une population noire. Les corps étaient ensevelis dans de la vannerie imprégnée de kaolin et d'ocre rouge, identiques à ceux des peintures rupestres. La présence d'autres populations à peau noire du Sahara central a été retrouvée à Amekni Meniet, dans l'Ahaggar, et à Tamaya Mellet, au Niger. « Ces hommes, qui ignorent l'agriculture, ont toutefois enclenché le processus de néolithisation », raconte Malika Rachid.

Mais pour la préhistorienne, ces communautés noires ne sont pas les seules à vivre dans la région. « S'y trouvaient également des descendants d'Atériens demeurés sur place. Quelques petits groupes très anciens ont certainement réussi à survivre jusqu'au retour des pluies. Ils pourraient bien constituer une autre grande famille, les Bubalins. »

Puis, alors que le néolithique est déjà bien engagé vers 5000 ans av. J.-C., de nouveaux arrivants s'installent au Sahara central. Il s'agit de groupes protoberbères. Ces ancêtres des Berbères du Sahara appartiennent à la grande famille protoméditerranéenne dont les plus anciens représentants au Maghreb (dixième millénaire av. J.-C.) portent le nom de Capsiens. « De ces Protoberbères, les peintures rupestres nous montrent le faste des ornements corporels, des costumes et l'art de la coiffure. L'aspect guerrier aussi. » Leurs nécropoles et tombes en pierres sèches reflètent des cultures régionales qui pourraient préfigurer celles, postérieures, des grandes tribus et confédérations touareg.

Au cours du deuxième millénaire av. J.-C., le Sahara va être à nouveau happé par le désert et le demeurer jusqu'à nos jours. Une ère dominée par un peuplement qualifié de paléoberbère. La grande faune subtropicale de l'art rupestre (autruches, éléphants, guépards,hyènes, girafes) est remplacée vers 1500 av. J.-C. par deux figures dominantes de la Méditerranée orientale, le char et le cheval, avec leurs auriges, dirigeant des chars à deux ou quatre chevaux. Ces Paléoberbères porteurs d'armes et d'objets en métal ne sont rien d'autres que ces « Libyens» dont parlait Hérodote.


*** Préhistorienne algérienne : Les Premiers Berbères : entre Méditerranée , Tassili et Nil (Edisud) ;
Le Tassili des Ajjers (Edif 2000, Alger).
   

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Mansourah Constantine

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