Allocution du Père Paul Marioge

Père Paul MariogeLorsqu’à Alger certains d’entre vous venaient me voir, ils invoquaient souvent la possibilité de provoquer de nouvelles réunions d’anciens... Je rappelle que j’avais déjà fait au collège 5 réunions de ce type en 71, 72, 73, 74 et 75. La dernière comprenait 85 participants.

Après la nationalisation, en 1976, j’ai continué à travailler deux ans avec Monsieur Beghoul au collège, devenu lycée Tarik ibn Ziad, mais il n’était plus possible de faire ce genre de réunion...car nous étions encore sous le régime du parti unique et toute réunion en dehors de celles organisées par le FLN était pratiquement interdite. Peu après la fin du parti unique, il y a eu le terrorisme... et tout rassemblement de type libéral était dangereux.

Maintenant que la situation sécuritaire s’est améliorée, il devient à nouveau possible d’envisager un tel genre de réunion à condition de rester dans la stricte neutralité. Les anciens élèves des Pères Jésuites d’Alger ont déjà fait la leur et aussi les anciennes filles des Sœurs Blanches de Kabylie.

Depuis le mois d’octobre, j’ai pu me lancer dans la préparation d’une nouvelle rencontre d’anciens pour satisfaire le vœu de beaucoup d’entre vous, et le mien aussi.


Je faisais un voyage à Constantine dont j’ai déjà donné un compte-rendu. Je rencontrais Monsieur Salah Haddad, ancien économe du collège, mais surtout le Docteur Chaouche-Teyara Abdelouahab qui pensait depuis longtemps à organiser une telle rencontre et qui s’est montré de suite très enthousiaste pour lancer le projet. Deux soirs de suite il réunissait chez lui une quinzaine d’anciens du quartier, je rencontrais aussi trois d’entre vous, dont Monsieur Khatim Kherraz, l’actuel Président de l’APC. Tous furent unanimes pour dire qu’il fallait poursuivre cette initiative, qu’il n’y avait pas de grand obstacles à vaincre et qu’il fallait même faire des Anciens du Mansourah une association dument déclarée auprès des autorités compétentes de la wilaya. Les anciennes du lycée El Houria et les anciens de l’EPAU (architecture) avaient déjà constitué la leur.

J’avais gardé par devers moi un certain nombre de documents du collège, je les ai mis sur ordinateur, cela nous permettra de retrouver une bonne partie des anciens et de rechercher leur adresse actuelle.

Aujourd’hui il s’agit d’une réunion restreinte ... la réunion générale aura lieu au mois de mai ou de juin 2004.

Reste le point délicat de savoir quel but nous allons donner à notre association. Il nous faut rester neutre, en dehors de toute polémique, et il nous a semblé que le but principal devait être de nous réunir entre amis pour nous soutenir les uns les autres afin de continuer à vivre l’esprit du collège que nous avons acquis et dont nous sommes fiers.

De quoi s’agit-il ?
Unanimement vous m’avez dit, qu’en quittant le collège, vous vous êtes aperçus que vous n’étiez pas tout à fait comme les autres. Vous aviez acquis une culture, une notion de la personne humaine et de la morale, qui différaient de la pensée ambiante. Ceci vous a parfois causé des déboires, vous avez failli vous faire sanctionner, vous avez peut-être même risqué la prison pour avoir refusé certaines compromissions. Mais dans le fond vous étiez fiers de ce que vous étiez devenus et vous vouliez transmettre ces valeurs à vos enfants et à votre entourage. Seulement pour y arriver il faut lutter à contre courant face à l’ambiance générale et il y a le risque de se laisser prendre par le système. Ces réunions ont donc pour but essentiel de nous retrouver entre gens partageant le même idéal et de nous soutenir les uns les autres afin de ne pas se laisser prendre par les mauvaises habitudes du milieu.

Quelles sont donc ces valeurs ?
Ce sont des valeurs universelles qui n’appartiennent en propre à aucune religion, ni à aucune culture, elles appartiennent simplement à la nature humaine considérée sous l’aspect du bien et toutes les religions se les sont assimilées. Il n’y avait au collège aucun système préétabli pour vous les transmettre, cela s’est fait par osmose en vivant ensemble un certain idéal. Le Père Rogé vous avait quand même donné quelques cours d’éducation et le Père Mauriaucourt avait ramené de Kabylie un manuel de "Formation Humaine" utilisé là-bas dans les écoles des pères et des sœurs. Je regrette de ne pas voir développé alors son utilisation, vu le souvenir bénéfique que vous en avez gardé.

Avec le Docteur Chaouche, nous avons essayé de préciser quelques points de cet esprit du Mansourah et vous pourrez les compléter par vos suggestions :

- d’abord la droiture en toutes choses, ce qui implique la franchise, la fuite du mensonge qui gangrène les relations dans la société ambiante,
- et l’honnêteté dans le travail et la vie courante,
- puis le sens de l’effort, du travail personnel,
- la conscience professionnelle qui transforme le travail en un service des autres,
- le respect de toute personne humaine en particulier de la femme, car plusieurs m’ont dit combien leur façon de considérer les relations garçons-filles était différente de celles de votre entourage,
- ce qui entraîne une notion de la famille comme cellule d’amour, d’éducation d’entraide et de service,
- ce qui amène à l’esprit de tolérance vis à vis de ceux qui sont différents de nous par la culture, la religion ou tout autre aspect,
- et enfin l’ouverture à une culture universelle, base de la possibilité d’un dialogue avec tous ceux que nous rencontrons.

Voilà quelques unes des valeurs que nous voulons continuer à vivre et à transmettre.

Maintenant le Docteur Chaouche va vous expliquer comment mettre tout cela en œuvre. C’est à vous d’ailleurs qu’est confiée cette association car je vais bientôt partir en France pour quelques années. J’ai retardé mon départ à cause de la réunion d’aujourd’hui, je continuerai de loin à vous soutenir, je reviendrai pour la réunion du mois de mai ou juin. De toute façon je prends de l’âge et vous devez être nos héritiers.

Il est dommage que durant les 28 années qui nous séparent de la dernière réunion de 1975 nous n’ayons rien pu faire, mais je suis heureux de voir que le souvenir reste vivace. Faisons que cet esprit perdure et se transmette.

Paul Marioge

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Mansourah Constantine

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